L’Observatoire de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (ORSE) a organisé le 4 mars dernier une conférence débat sur le thème « impliquer les hommes dans les politiques d’égalité dans les entreprises ». Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre des solidarités et de la cohésion sociale et Laurence Parisot, Présidente du MEDEF ont introduit cette journée sous forme d’une discussion en duo. Roselyne Bachelot a insisté sur 3 dysfonctionnements majeurs :
- La société majoritairement masculine dans son fonctionnement, ce qui engendre de la violence verbale et physique,
- La santé au travail : les organisations à dominante masculine secrètent des comportements qui altèrent la santé au travail,
- La négation des autres sphères comme la vie familiale, associative, sportive, affective... C’est une véritable perte pour l’entreprise !
Roselyne Bachelot nous a également fait part de son expérience en politique. Elle constate que la mixité en politique permet de diminuer fortement la violence verbale des hommes.
Cinq tables rondes se sont succédées tout au long de la journée :
Table ronde n°1 : Agir sur les stéréotypes femmes/hommes notamment dans les médias et la publicité
Brigitte Grésy, rapporteure de la commission image dans les médias et la publicité a animé cette table ronde, réunissant :
- Christine Castelain – Meunier, sociologue au CNRS, auteur du livre “les métamorphoses du masculin”,
- Saniye Gülser Corat, Division for gender Egality de l’Unesco,
- Gitta Vanpeborgh, Responsable égalité femmes-hommes de la FGTB – Belgique et membre du Présidium de la Confédération européenne des Syndicats,
- Ghislaine Julémont, experte, COFACE – Confédération des Organisations Familiales de la Communauté Européenne.
Un levier intéressant pour changer les stéréotypes femmes –hommes a été évoqué lors de cette table ronde, celui des médias et de la publicité. En effet, l’ORSE, en 2010 a publié une étude concernant les pères dans la publicité. J’avais d’ailleurs consacré une noté sur ce sujet le 28 juin 2010 : un autre regard.
Une initiative intéressante en Belgique : Gitta Vanpeborgh nous explique qu’il existe des directives pour les entreprises sur le sujet de l’approche intégrée du genre (tous les 2 ans). Il existe même un département genre dans les syndicats Belge !
«55 % des individus pensent que les femmes ont une prédisposition naturelle à s’occuper des autres », précise Gitta Vanpeborgh, responsable égalité femmes/hommes du syndicat belge FGTB. Les stéréotypes ont la vie dure !
Table ronde n°2 : Intéresser les hommes aux métiers fortement féminisés (santé, éducation, petite enfance,…)
Jacqueline Laufer, sociologue, professeur émérite à HEC a donné la parole aux intervenants suivants :
- Dr Helen Norman, Université de Manchester, présentation de l’étude “Men and Gender Equality, tackling gender segregated family roles and social care jobs”,
- Isabelle Wickler et Patrick Kleinbauer, conseillers direction première classe, Ministère de l’Egalité des chances luxembourgeois, présentation de l’initiative “Girls’ day and Boys’ Day,
- Vera Albanet, présidente du groupe national d’appui Egalité et Parité, FNARS (Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réinsertion Sociale),
- Isabelle Fréret, membre du réseau Equilibres de la CFE- CGC
- Rachel Silvéra, économiste, maître de conférences à l’université de Paris Ouest –Nanterre - La Défense, chercheuse associée au CES - MATISSE-Paris Sorbonne
A travers l'analyse de la place des hommes dans les accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle (par François Fatoux et Rachel Silvera, mars 2011), 2 champs d’application ont été retenus : l’accès des hommes aux emplois dits féminins et la question de la parentalité.
Il est intéressant de retenir que finalement un grand nombre d’accords évoquent l’accès des hommes aux emplois à prédominance féminine. Plus de 40 accords parmi les 165 de l’échantillon étudié abordent ce thème soit un quart des accords !
Le thème de l’équilibre vie professionnelle – vie familiale est présent dans la quasi- totalité des accords égalité. Peu d’accords proposent des formations à la parentalité d’après les auteurs de cette analyse comme par exemple des formations sur l’analyse des rôles sexués dans la famille et l’implication des pères, les connaissances de la répartition des tâches domestiques, les réflexions sur le congé maternité, le temps partiel et la carrière.
Des dispositions innovantes sont proposées comme chez Bayer Santé. Je vous en ai déjà parlé dans une précédente note (l’accompagnement Papa Poule).
Isabelle Wickler et Patrick Kleinbauer, conseillers direction première classe au Ministère de l’Egalité des chances luxembourgeois ont présenté une initiative intéressante, c’est le girls’day et boys’day. Les objectifs de cette journée sont d’intéresser les garçons aux métiers atypiques, de diversifier les choix professionnels, de lutter contre les stéréotypes et de revaloriser les métiers. Le Luxembourg est un petit pays et les échantillons analysés au cours de cette étude sont faibles : 5% de participation totale à cette journée (530 filles et 314 garçons en 2010).
Table ronde n°3 : Assurer une meilleure répartition des tâches domestiques et parentales
Marlies Gaillard du cabinet Equilibres anime les débats de cette troisième table ronde avec :
- Dominique Méda, Directrice des recherches, Centre d’Etudes de l’Emploi,
- Jean-Paul Bouchet, Secrétaire Général, CFDT Cadres,
- Rosalie Ward, Project Manager “Working Better”, Equality and Human Rights Commission, présentation de l’étude “Working Better : father, family and work”,
- Benoît Roger-Vasselin, Directeur des Ressources Humaines, Publicis
- Rachel Silvéra, économiste, maître de conférences à l’université de Paris Ouest –Nanterre - La Défense, chercheuse associée au CES - MATISSE-Paris Sorbonne
Dominique Méda a donné le ton à cette table ronde. En effet, d’après elle, “l’entreprise est porteuse de norme”. Ainsi, un homme en congé parental est-il un salarié “déviant”. Pour que les normes changent, la balle est dans le camp de l’entreprise : des réflexions doivent être engagées sur la place de la femme dans le travail vis à vis de l’homme et surtout autoriser les hommes à prendre leurs congés parentaux ou à temps partiel !
D’après Rachel Silvéra, “l’entreprise a un rôle à jouer pour que les hommes soient des pères” notamment en réfléchissant à un accord égalité professionnelle hommes- femmes. Ainsi des mesures concrètes peuvent être mises en place comme le prolongement du congé paternité, l’accompagnement du futur père ou bien des mesures pour accompagner les familles monoparentales.
Concernant le congé paternité, Laurence Parisot, Médéf, affirme sa volonté de voir le congé paternité obligatoire.
Jean-Paul Bouchet, secrétaire Général de CFDT Cadres souhaite quant à lui un prolongement du congé paternité : passer de 11 jours à 2 mois, avec une rémunération de 80 % du dernier salaire. "Créer un congé de paternité suffisamment long pour modifier les représentations sexuées du travail des cadres. Ainsi, si demain un jeune père potentiel dispose d'un droit à congé paternité long (2 mois), le risque est alors partagé. Recruter un jeune, homme ou femme, impliquera alors d'imaginer l'organisation du travail et les évolutions de carrière en conséquence et les représentations des directions des ressources humaines, des managers et des jeunes cadres hommes changeront progressivement."
Benoît-Roger Vasselin, DRH de Publicis soutient cette idée en déclarant que “c’est un enrichissement considérable pour les hommes de se consacrer à leurs enfants”.
Table ronde n°4 : Mobilisation des acteurs publics nationaux et internationaux
Isabelle Germain, journaliste et fondatrice des Nouvelles News a animé cette table ronde, réunissant les intervenants suivants :
- Muriel Bissières, DG Justice Unité égalité femmes/hommes, Commission européenne
- Mendes Bota, Président de la Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
Représentants des gouvernements :
- Allemagne, Christian Hoenisch, Division « Politiques d’égalité entre les sexes pour les hommes et les garçons », Ministère fédéral des affaires de famille, les seniors, les femmes et la jeunesse
- Belgique, Françoise Goffinet, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes
- France, Sabine Fourcade, Directrice générale de la cohésion sociale, Déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, Ministère des solidarités et de la cohésion sociale
- Grande-Bretagne, Rosalie Ward, Directrice de projet Working Better, Equality and Human Rights Commission
- Norvège, Anne Galand, Ministère de l'enfance, de l'égalité et de l'inclusion sociale
Christian Hoenish, nous a fait part de l’organisation du congé parental en Allemagne. Le gouvernement a instauré en 2007 le partage du congé parental établi à 65 % du salaire antérieur sur 14 mois. Si les parents veulent avoir la totalité des 14 mois, ils doivent se répartir le congé en 12 et 2 mois. Résultat : 20 % des hommes prennent ce congé parental.
En Belgique, 1 père sur 10 a rencontré des difficultés à prendre le congé paternité. Seulement 32 % des hommes sont informés par leur employeur de leurs droits concernant le congé paternité.
En Norvège, en février dernier, les ministres de la Justice et de la famille ont quitté leur poste pour prendre 4 mois au titre du congé paternité. « Nous partons du fait que personne n’est irremplaçable, pas même un ministre ! », explique Anne Galand, du ministère norvégien de l’enfance, de l’égalité et de l’inclusion sociale. 90 % des pères prennent leur congé paternité de 10 semaines (bientôt 12 semaines en 2012 !). Les résultats sont là : 70 % des femmes sont actives, le taux de natalité est élevé et les pères sont bien présents. Il reste toutefois des défis à relever pour la Norvège comme : les inégalités salariales (17 % de différence entre les femmes et les hommes), la valorisation du temps partiel (peu d’hommes sont à temps partiel), la ségrégation du marché du travail et le partage des responsabilités.
Quant à la France, Sabine Fourcade nous présente les 4 directions prises par le gouvernement :
- la formation : le prix de la vocation scientifique technique pour les filles pour les classes de Terminale a été lancé,
- le milieu professionnel : un décret concernant le rapport de situation comparée est en cours de préparation pour les entreprises à partir de 50 salariés
- l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle : un Observatoire de la Parentalité en Entreprise a vu le jour en novembre 2008. Plus de 250 entreprises ont adhéré à la Charte de la Parentalité en Entreprise. Le gouvernement travaille également sur l’offre des modes de garde pour augmenter le nombre de place.
- l’évolution des représentations et stéréotypes : une charte a été créée à destination des médias.
Table ronde n°5 : Mobilisation des décideurs économiques
Isabelle Germain, journaliste et fondatrice des Nouvelles News a animé cette table ronde, réunissant les intervenants suivants :
- Pascale Marcou Benkemoun, Directrice de projet, Catalyst
- Michel Landel, Directeur général, Sodexo
- Françoise Holder, Présidente du comité égalité homme/femme, MEDEF
- Uxio Malvido, Europe/Canada, Directeur diversité et inclusion
- May Kassis-Morin, Responsable diversité, Ernst and Young
Pascale Marcou Benkemoun évoque les facteurs d’engagement des hommes et notamment la reconnaissance des hommes au travers de la remise en question des normes masculines, du sens de la justice sociale, d’un mentor femme dans sa vie professionnelle.
L’exemple de Volvo est intéressant : un groupe d’hommes a suivi le programme “work-talk” qui vise à leur faire réaliser des actions pour changer leurs comportements. Les résultats sont positifs !
Pour Michel Landel, Directeur Général de Sodexo, “la formation est le principal élément pour comprendre et éduquer”. Ainsi, les projets de mixité doivent avoir des ressources dédiées pour '”tirer” ces projets en entreprise. Et surtout, selon lui, il est nécessaire de fixer des objectifs à tous les niveaux de l’entreprise.
Pour la Responsable Diversité d’Ernst & Young, May Kassis – Morin, l’enjeu des politiques de mixité est principalement un enjeu business et non RH ! Selon elle, il y a un impact que si le management est éthique et équitable.
Pour Françoise Holder, présidente du comité égalité hommes- femmes au Medéf, l’égalité professionnelle hommes-femmes est une problématique humaine et sociétale. En plus de la parentalité, il semble important de s’intéresser également à la dépendance. Se lancer dans le sujet de la mixité en entreprise génère un changement culturel important mais tout le monde y gagne au final.
En conclusion, François Fatoux, délégué général de l’ORSE nous informe que le gouvernement français travaillera d’ici quelques mois sur la parentalité au masculin.
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En savoir plus :
Pour compléter ma note, je vous invite à lire celle de Catherine Belotti, la mixité de tous les métiers, un champ de recherche qui s’ouvre et également celle d'Isabelle Germain, fondatrice du site "Les Nouvelles News" : Congé de paternité allongé : les partenaires sociaux sont pour.
Les actes de cette conférence-débat seront disponibles prochainement sur le site de l’ORSE.