Je viens de découvrir un nouvel ouvrage issu d’une grande enquête originale lancée par Radio France en 2011 sur la thématique du travail.
Dans leur grande majorité, les Français aiment travailler, même s'ils souffrent des conditions d'exercice de leur métier. C'est cette expérience que Radio France a voulu recueillir en donnant la parole à ses auditeurs. Pour qu'ils expriment leurs satisfactions, leurs attentes, mais aussi leurs déceptions. Près de 6 000 personnes ont pris la plume pour raconter leur histoire et proposer de nouvelles manières de vivre le travail. Ce livre est le miroir de cette enquête sans précédent. Dominique Méda (sociologue), Patrick Légeron (psychiatre) et Yves Schwartz (philosophe) ont tour à tour commenté les résultats et esquissé des pistes pour améliorer le travail. Un syndicaliste et un chef d'entreprise se sont efforcés de replacer le débat dans le contexte économique actuel. Les textes des grands philosophes font écho à ces cahiers de rêves et de doléances.
Le livre est très agréable à lire car il y a une alternance d’analyses de l’enquête, de témoignages, de textes plus académiques (philosophie, sociologie, etc…) et de dessins réalisés par Muzo. En fin d’ouvrage, vous trouverez les résultats statistiques complets de la grande enquête.
Bien sûr, comme il est précisé dans ce livre, cette enquête n’a pas été réalisée, comme c’est la norme, à partir d’un échantillon supposé représentatif de la société française, mais auprès des auditeurs de Radio France.
”L’avantage est évident : les gens qui ont pris la peine et le temps de s’exprimer étaient motivés, ils avaient quelque chose à dire sur le travail. Les réponses sont donc riches, et peut on supposer, étayées par une assez forte conviction. L’inconvénient est l’échantillonnage : certaines catégories de la population française sont beaucoup plus représentées que d’autres. Ceux qui ont poursuivi des études (la catégorie dite CSP+, qui a étudié plus de deux ans après le baccalauréat) sont bien plus nombreux, en proportion, que dans l’ensemble du corps social français. Et les femmes sont plus nombreuses que les hommes à éprouver l’envie de répondre et encore plus d’exprimer à la fin du questionnaire un avis personnel.”
C’est intéressant de regarder quelles sont les professions les plus représentées dans cette enquête : les enseignants et le personnel hospitalier (infirmières et médecins).
Ces professions sont celles qui paraissent les plus affectées par les changements considérables qui ont touché le monde du travail au cours des dernières décennies.
J’aimerai vous faire partager ce texte présent dans cet ouvrage, rédigé par Patrick Légeron (psychiatre et directeur d’un cabinet de conseil sur le stress professionnel et auteur pour le ministre du travail, d’un rapport sur les risques psychosociaux) :
“Quand bien même le travail serait passionnant ou susceptible d’apporter les plus grandes satisfactions, il est important que l’individu puisse aussi se réaliser en dehors. Deux phénomènes récents sont plutôt encourageants, car allant dans le sens d’un refus de l’unique investissement professionnel. Tout d’abord, certaines grandes entreprises nord- américaines ne souhaitent plus de salariés surinvestis dans leur travail. Dès l’embauche, elles s’assurent que leurs futurs employés ont des “hobbies”, voire leur proposent de financer elles-mêmes des activités non-professionnelles. Ces mêmes-entreprises mettent aussi en place des modes de fonctionnement obligeant les salariés à ne pas rester au bureau au-delà d’une certaine heure et les empêchant d’accéder à leurs e-mails pendant les vacances ou le week-end. L’autre phénomène est observé chez les jeunes diplômés qui, d’après certaines enquêtes d’opinion récentes, indiquent que le niveau de rémunération, la carrière ou le prestige d’une entreprise n’est plus le seul critère de choix, mais de plus en plus la possibilité qu’ils auront de disposer de temps libre, principalement pour leur famille.
L’équilibre d’un individu repose sur un véritable trépied d’investissement. Un investissement professionnel, un investissement social (et le plus souvent familial) mais aussi un investissement personnel. La règle des trois tiers devrait être appliquée : un tiers pour son patron, un tiers pour les autres (sa famille et/ou ses amis) et un tiers pour soi-même, très “égoïstement”. Ces trois “pieds” assurent, comme, comme c’est le cas pour un siège, la meilleure stabilité pour un individu. Bien plus, ces trois vies se complètent et d’enrichissent mutuellement.” (issu du livre “le travail autrement'”(collectif), 2003)
Pour continuer le débat, je vous invite à vous rendre au Théâtre du Rond Point le 23 janvier prochain à 14h00.
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