Lors du colloque du 25 octobre dernier, j’ai eu le plaisir de rencontrer Pierre-Yves Fils qui m’a fait connaitre le temps partagé, une autre manière de travailler, facilitant l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Il est le président de l’association CDME (Cadres de Directions MultiEmployeurs). Pierre-Yves Fils m’a proposée d’interviewer Joséphine Copete pour en savoir plus sur cette structure.
Joséphine Copete fait partie du Conseil d’Administration de l’association CDME .
Joséphine, que pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours professionnel ?
Mon parcours a été guidé par ma curiosité et la conviction que l’on peut avoir une vie professionnelle riche et continuer de s’ouvrir sur le monde et développer ses centres d’intérêt.
J’ai un parcours professionnel en plusieurs temps. J’ai commencé ma carrière en tant que responsable commerciale dans la distribution multi-succursaliste. En 1992, je décide de me réorienter et, après un DESS en ressources Humaines à Paris- Dauphine, j’ai exercé ma fonction de Responsable du développement des ressources humaines dans des groupes d’envergure nationale et internationale jusqu’en 2010.
En 2010, je décide à nouveau de me repositionner et je choisis d’exercer mon métier dans des PME/PMI ou des TPE.
C’est donc tout naturellement que j’en suis venue au temps partagé. J’ai intégré CDME pour me donner les moyens d’atteindre cet objectif. Je travaille à temps partiel pour une jeune entreprise très dynamique et innovante, MAINtag, en tant que RH généraliste et je propose une offre d’accompagnement RH, spécifiquement dédiée aux PME/PMI et TPE, au travers du réseau Quinze’RH que j’ai crée il y a un an (www.QuinzeRh.com).
Quelle est l’origine de la création de CDME ?
CDM-E est une association Loi 1901 fondée en 1993.
Pour la petite histoire, au début de 1993, quelques cadres franciliens, tous demandeurs d’emplois et curieux d’initiatives originales, se concertent pour suivre l’exemple initié en région PACA et Rhône Alpes.
En effet, depuis 1991, sous l’impulsion des Jeunes Chambres Economiques, on commence à parler d’une forme alternative au CDI temps plein : le Travail en Temps Partagé.
CDME voit le jour et dépose ses statuts le 7 avril 1993. Dans la foulée, CDME et 7 autres associations de province se regroupent en créant la Fédération Nationale des Associations du Travail en Temps Partagé (FNATTP). Aujourd’hui la FNATTP regroupe 25 associations au niveau national, généralement sous le sigle CTP (Compétences en Temps Partagé).
Malgré l’enthousiasme des cadres, l’accueil de cette forme de travail par les entreprises reste, au départ, très réservé. Depuis, beaucoup des contraintes administratives ont trouvé des solutions et la loi 2005-82 du 2 août 2005 a donné une existence officielle au Travail en Temps Partagé. La FNATTP joue un rôle actif auprès des institutions pour faire évoluer les cadres juridiques permettant une mise en œuvre sécurisée du TTP, aussi bien pour les cadres que pour les entreprises.
Quelle est la vocation de CDME ?
Entièrement composée de bénévoles, CDME assure, depuis plus de 15 ans, la promotion du travail en temps partagé des cadres expérimentés auprès des réseaux de PME/PMI.
CDME a aidé plus de 400 cadres expérimentés à se repositionner sur le marché du travail, en retrouvant une activité professionnelle dans laquelle ils peuvent faire valoir leurs compétences, leur dynamisme, leur expérience et surtout concilier temps de travail et temps personnel.
Grâce aux méthodes que nous avons, peu à peu, mises en place : réunions d’informations, rendez-vous de cooptation, semaine de formation des cadres aux spécificités du travail en temps partagé, nos adhérents restent actifs et mettent en œuvre un projet professionnel réaliste. Ils explorent le marché potentiel des « opportunités dormantes », ces projets que les entreprises ne mettent pas en œuvre faute de temps, de compétences nécessaires ou de formule adaptée en termes de coût.
Nous aidons nos adhérents à apporter une solution pour faire éclore ces projets et exercer nos métiers autour de la formule « le juste temps au juste coût ».
Pourquoi vous êtes-vous intéressée au sujet du temps partagé ?
Le travail en temps partagé me permet de concilier la manière dont je veux pratiquer mon métier et mes centres d’intérêts personnels.
Pendant toutes ces années de pratique dans des structures importantes, j’ai été constamment mise à mal dans mes convictions professionnelles. Souvent, j’ai été amenée à m’intéresser plutôt aux process qu’aux ressources des hommes.
J’ai eu envie de me rapprocher, dans l’exercice de mon métier, de dirigeants porteurs de vision, ouverts à l’innovation et convaincus que c’est au travers des équipes que naissent les réussites. Je suis vite arrivée à la conclusion que ces terrains là sont plus fertiles dans des structures de PME/PMI ou TPE. Alors, donner de mon expertise et ma passion pour mon métier sur un format de temps plus réduit et pour plusieurs entreprises, pourquoi pas ?
Par ailleurs, le travail temps plein pour une même entreprise, devient vite, à mon sens, très sclérosant. Le champ d’observation et de réflexion se restreint. Dans chaque métier, pouvoir confronter ses expériences et prendre de la distance, me semble essentiel.
En exerçant le temps partagé et en équilibrant mon activité, je peux, par exemple, continuer de me former en sociologie du travail au CNAM, assister à des conférences, en somme continuer de m’ouvrir sur le monde extérieur.
Ceci ne va pas sans contrainte, bien sûr ! Il faut avoir la capacité de rester connectée sur ses réseaux, car lorsqu’on exerce son activité en temps partagé, il faut constamment aller convaincre des entreprises des bénéfices à embaucher un cadre expérimenté au sein de leur structure. Il faut savoir jongler avec des successions de CDD, CDI temps partiels, portage salarial.
D’autre part, il faut savoir cloisonner entre les différentes entreprises dans lesquelles on intervient, fermer une porte et en ouvrir une autre…Ce qui donne une capacité d’adaptation et flexibilité non négligeable, d’ailleurs !
Mais pour moi, c’est une forme de liberté et d’engagement qui me convient bien. C’est en quelque sorte un temps choisi et non pas un temps subi.
D’après votre expérience, pouvez-vous nous dire qui travaille à temps partagé et pourquoi ?
Autant le dire, le contrat CDI, temps plein, reste la norme. Même si la tendance est à la baisse, il représente plus de 80% de l’emploi salarié en France.
Il faut bien faire la différence entre le temps partagé et le temps partiel, qui est une forme contractuelle plutôt subie, qui touche pour beaucoup les femmes et les jeunes, pas pour les mêmes raisons d’ailleurs, et qui tend à créer « une pauvreté laborieuse ».
Plusieurs catégories de population peuvent être intéressées par le temps partagé.
Commençons par la population des « séniors » actifs. Ce sont des cadres, bien souvent, qui sont au chômage et qui, pour remettre un pied sur le marché du travail, décident de proposer leurs compétences sous un autre format. Ils acceptent, en quelque sorte, la remise en question et finissent par trouver goût à cette forme de travail pour la liberté qu’elle procure. Souvent aussi, ceci débouche sur des contrats temps plein car les entreprises intéressées par le temps partagé sont souvent en développement.
Il y a ensuite la catégorie des « séniors » qui sont à la retraite et qui, pour rester en activité et avoir une source de revenus complémentaires, décident de proposer leurs compétences en temps partagé.
Il y a également toutes les personnes qui souhaitent mettre en œuvre un projet personnel autour d’une passion : photographie, peinture…ou même accorder plus de temps à leurs loisirs ou leur famille. Elles cumulent ainsi une activité liée à leur métier d’origine et se dégagent du temps pour développer leur activité de cœur.
Il ne faut pas oublier, que lorsqu’on parle de temps partagé, il peut être sous une forme de salariat « multi-employeurs », mais aussi en « multi activités » et/ou « multi-statuts », salariat, portage, missions en honoraires…. Tout un champ de possibles qui laissent finalement de nombreuses voies à explorer pour exercer une activité.
Enfin, les jeunes actifs entrant sur le marché du travail, dans une moindre mesure, peuvent aussi aller vers le temps partagé. Je dirais que c’est une forme d’activité transitoire, avant une stabilisation au travers d’un contrat temps plein.
En quoi travailler à temps partagé facilite finalement l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle ?
Comme je l’ai déjà évoqué, le temps partagé est un temps choisi : choix de l’activité, choix de l’entreprise, choix du statut, choix du temps travaillé en fonction du déroulement de son chemin de vie et de son parcours. Il est donc adaptable à chaque situation et chaque histoire.
Je dis toujours que le temps partagé, c’est « travailler autrement pour vivre autrement ». Cela met donc en jeu, non seulement l’exercice d’une activité, mais aussi une autre façon de gérer et d’organiser sa vie.
Bien sûr, la législation, la perception même que nous avons du travail « salarié » doit continuer d’évoluer. L’investissement ou le professionnalisme ne dépend pas du temps passé en entreprise. Bien au contraire, le temps partagé permet de distancier, de retrouver du souffle, une énergie en se centrant sur l’essentiel d’une activité et en permettant de se ressourcer ailleurs.
Cet autre ailleurs me semble essentiel pour retrouver du sens, sens dans son travail, sens tout simplement dans sa vie de tous les jours.
Souhaitez-vous ajouter autre chose ?
J’ajouterai que l’ambition de CDME est de rapprocher les entreprises et les cadres intéressés par le temps partagé. Nous animons régulièrement des conférences, petits déjeuners, ou autres évènements, avec des institutions ou des clubs d’entrepreneurs pour expliquer les avantages et bénéfices du temps partagé. Nous découvrons à chaque intervention, que nombre de dirigeants de PME/PMI ne connaissent pas cette formule et que souvent, avec le temps partagé, ils trouvent des solutions à leurs problèmes de ressources.
N’hésitez pas à prendre contact avec moi, [email protected] ou au 06 83 49 53 93. Je suis toujours très enthousiaste à l’idée d’échanger autour de cette question.
Merci beaucoup Joséphine pour cette interview.
Visitez son site internet : http://www.cdme.fr/ et n’hésitez pas à laisser des commentaires et à poser des questions à Joséphine Copete !