Comme expliqué dans mon précédent billet, pour fêter les 3 ans de mon blog, je vous invite à m’envoyer vos points de vue, vos réflexions, vos expériences sur la thématique de l’articulation des temps de vie. J’ai le grand plaisir d’accueillir pour ce tout premier billet, Thérèse Salado Majnoni d’Intignano, Directrice associée de “Jules et Juliette : l’enfance à domicile”.
Un grand merci pour cette analyse de l’articulation des temps de vie dans la région Côte d’Or.
Quel est mon parcours ?
J’ai une maîtrise de droit privé et un Master II «Science du management et administration des entreprises».
Durant 10 ans, j’ai exercé dans une entreprise dijonnaise en tant que DRH et Directrice juridique et en 2005, j’ai réorienté ma carrière en décidant de créer une association de garde d’enfants à domicile (de 2005 à 2009). L’association ayant dû être dissoute, en 2010, j’ai créé une société de garde d’enfants à domicile 24/24h et 7/7j dénommée « Jules et Juliette : l’Enfance à domicile » en Côte d’or, Yonne et Saône et Loire.
Pourquoi ? Parce que je me suis aperçue, en tant que maman à la tête d’une famille recomposée de 6 enfants (la dernière ayant 6 ans) qu’il était très difficile de trouver des modes de garde adaptés aux contraintes professionnelles et plus particulièrement lorsque les parents-salariés avaient des horaires élargis et pas de famille sur place.
Quelles sont les activités de « Jules et Juliette » et des « Paradis de Jules et Juliette » ?
« Jules et Juliette » propose des services de gardes d’enfants à domicile 24/24h et 7/7j (avec une réponse téléphonique sur les mêmes créneaux).
Nous gardons les enfants de 0 à 13 ans (plus en cas de handicap).
Le but étant de proposer un mode de garde adapté aux nouvelles formes de travail : horaires décalés ou atypiques, temps partiel, horaires de nuit ou travail le dimanche ou les jours fériés.
Notre activité était, en 2010, innovante sur le territoire car nous étions les seuls à faire du 24/24h et 7/7j. En y regardant de plus prêt, nous sommes encore innovants puisque nous gérons les urgences 24/24H et 7/7j. J’ai souhaité mettre en place cette permanence téléphonique 24/24h afin de coller au plus prêt aux contraintes professionnelles des parents salariés : la garde des enfants ne doit plus être un frein à l’emploi ni un frein pour une promotion et pour ce faire il est indispensable d’offrir aux parents un service optimal, flexible, réactif et de proximité. Un tel fonctionnement est aujourd’hui, et au vu de l’éclatement des temps sociaux et des nouvelles formes de travail, est indispensable pour permettre aux parents de concilier leur vie professionnelle et vie familiale et ce constat vaut plus particulièrement pour les mamans qui travaillent sur qui pèse encore la gestion de la garde des enfants.
« les Paradis de Jules et Juliette », deux micro-crèches situées au centre de Dijon. Ayant conscience que la garde d’enfants à domicile a un coût et ne peut être accessible à tous les parents-salariés (et de fait ce constat va à l’encontre d’une aide optimale à une meilleur conciliation vie professionnelle et vie familiale), j’ai décidé de trouver un partenariat avec Dijon pour que je puisse appliquer le système PSU (Prestation de Service Unique) et ainsi appliquer le barème national CNAF aux parents. J’ai donc répondu à un marché public de Dijon (dans le cadre du projet « espoirs banlieues » ) dont l’objet était d’acheter une prestation de place d’accueil collectif de 06h à 20h00. Ma candidature ayant été retenue, les Paradis de Jules et Juliette s’est ouvert le 16 décembre 2011.
L’objet de ces micro-crèches est de permettre aux parents en parcours d’insertion d’accéder à l’emploi, aux formations ou aux CDD. Ce fonctionnement permet aux parents futurs salariés de trouver un mode de garde adapté à leur contrainte d’emploi (c’est-à-dire un besoin de garde dans l’urgence pour accepter une mission d’intérim ou un emploi) et ainsi de pouvoir concilier leur vie familiale avec leur vie professionnelle.
En Côte d’or, il est très difficile pour les parents à la recherche d’un emploi de trouver un mode de garde adapté à leur besoin et accessible financièrement.
Pour aller au bout de cette de cette démarche d’aide à l’emploi (et donc permettre une égalité des chances entre les hommes et les femmes pour accéder à l’emploi), j’ai mis sur le site des Paradis le planning hebdomadaire des places disponibles par jour et par créneaux horaires afin de permettre à tous et toutes d’avoir une solution d’urgence de garde et ainsi aller à un entretien d’embauche, à un rendez-vous Pôle Emploi, etc.
Malheureusement, les acteurs de l’emploi ne se servent pas de ces possibilités pour aider les demandeurs d’emplois (et surtout les femmes) et ainsi lutter contre un des premiers freins à l’emploi que peut être la garde d’enfants.
En Province, les mentalités ont du mal à changer et il est très dur de faire intégrer des nouveautés dans leur process !
Ces deux activités complémentaires (en accueil relais) permettent aux parents –salariés ou futurs salariés de trouver un mode de garde adapté à leurs besoins et surtout revenus.
Les activités de Jules et Juliette et des Paradis de Jules et Juliette s’adressent à tous les parents quelle que soit leur activité ou leur situation professionnelle.
Je recherche la plus grande flexibilité afin d’aider un maximum de parents salariés et ainsi essayer de leur proposer un panel de services en adéquation avec leur vie professionnelle et en tenant compte des différentes situations familiales.
Les objectifs visés par ces deux solutions sont les suivants :
- Lutter contre les freins à l’emploi,
- Permettre une égalité des chances entre les hommes et les femmes pour accéder à l’emploi,
- Aider à la parentalité en entreprise en permettant aux entreprises de trouver des solutions pour leurs salariés-parents en termes de mode de garde et ainsi tendre vers une diminution d’une des premières sources de stress qu’est la garde des enfants.
C’est pour cela que j’ai signé pour chaque société la Charte de la Parentalité en Entreprise et la Charte de la Diversité. J’ai également adhéré au Laboratoire de l’Egalité.
Comment les entreprises s’impliquent-elles ?
Comment la région Côte d’Or se positionne-t-elle sur le sujet de l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale ?
Pour nos micro crèches, et aux vues des heures d’ouverture, nous avons des demandes croissantes de parents qui sont salariés d’entreprises dans divers secteurs.
Depuis un an, j’essaie de susciter de la part des entreprises de Côte d’Or un intérêt pour aider leur salariés-parents à travailler dans des conditions sereines et donc les aider à trouver un mode de garde adapté à leurs impératifs professionnels.
Je n’ai à ce jour aucun retour des DRH ou chefs d’entreprise, et ceci même pour obtenir des renseignements et avoir plus de détails. Leur silence vaut tous les commentaires, mais appelle réflexion. Je me bats tous les jours contre cette inertie des entreprises mais le chemin est long pour faire changer les mentalités en Côte d’Or et leur faire comprendre qu’aider à la garde d’enfants est une avancée sociale et leur apporte un gain de productivité car cela diminue les coûts cachés.
Pourquoi en province, alors que les discours nationaux vont tous dans le sens d’une aide à la parentalité en entreprise, lorsque nous parlons d’enfants et de leur garde, on estime que cela ne doit pas interférer dans la sphère professionnelle mais rester dans la sphère privée ? Nous avons là une vision stéréotypée et archaïque de nos chefs d’entreprise ! De fait, les entreprises ne s’impliquent quasiment pas dans les financements des modes de gardes des enfants de leurs salariés.
Au vues de leurs réactions, je pense que pour une grande majorité des entreprises en Côte d’Or, l’aide à la garde d’enfants (par le CESU préfinancé ou l’achat de berceaux) représente un investissement élevé. Il n’y a pas de recherche d’intérêts pour l’entreprise sur du long terme, peut- être parce qu’il n’y a pas ou peu de réel service RH travaillant sur de nouveaux process de mangement en adéquation avec l’évolution des temps de travail, et surtout il y a une méconnaissance des aides possibles pour elles. Il n’y a pas de la part des entreprises de volonté de transformation culturelle, organisationnelle et managériale permettant d’intégrer dans leur gestion RH l’aide à la parentalité et donc aider à une meilleure articulation vie professionnelle et vie personnelle.
La réflexion sur la parentalité est encore très embryonnaire !
En Côte d’or, l’articulation vie professionnelle et vie familiale est toujours aussi compliquée pour les parents-salariés, et plus particulièrement pour les femmes sur qui pèsent encore très largement les « soucis » de gestion de garde des enfants (exemple : sur nos 80 familles de garde à domicile seulement 3 papas nous contactent régulièrement pour nous donner leur besoin en garde !!!).
Elles doivent lutter pour garder leur emploi lorsque celui-ci a des horaires atypiques ou simplement décalés (comme les infirmières ou le secteur de la grande distribution). Certaines femmes doivent changer de métier ou de poste (de façon contrainte) pour pouvoir articuler leur vie professionnelle et vie familiale, ou alors prennent un congé parental…
Il n’y a que très peu d’expérience sur le territoire et aucune initiée par des entreprises. La Côte d’or semble un territoire atypique car peu réceptif à ce concept d’articulation des temps de vie…
Mais cela vaut aussi pour les acteurs de l’emploi où nous pouvons constater que Pôle emploi en Côte d’or ne parle jamais de leurs aides nommées « AGEPI » pour les parents isolés qui leur permet d’avoir un financement de la garde d’enfants sur deux mois afin d’accepter un emploi. Ce constat vient de mes discussions avec des mamans seules suivies par Pôle emploi qui demandent une prestation de garde d’enfants dans l’urgence pour accepter un emploi, et lorsque je leur parle de cette aide leur permettant de diminuer le coût de garde. Elles n’en ont jamais entendu parler par leur conseiller.
L’articulation des temps de vie est encore un concept théorique en Côte d’or. Les parents ne se sentent pas du tout soutenus par leur entreprises et je les sens très stressés par cette problématique de garde d’enfants. Tout en reconnaissant qu’il y a une satisfaction des modes de garde sur les horaires classiques. Les difficultés commencent lorsque les horaires sont atypiques, de nuit ou du weekend.
Dans le cadre d’une meilleure prise en compte de la parentalité au sein de la sphère professionnelle, les entreprises ont tout intérêt, même en province (et parfois encore plus qu’ailleurs car cela leur permet d’attirer des compétences ou d’en retenir !) à proposer une aide au financement de ses services de garde.
Un salarié serein n’est-il pas un salarié efficace ?
Malgré cela il y a beaucoup de chemin à faire sur notre territoire mais je ne désespère pas d’investir les entreprises et de les faire participer au financement des modes de garde par des achats de berceaux en micro crèche.
Un grand merci Thérèse pour ce retour d’expérience en région Côte d’Or. Si vous souhaitez poser des questions à Thérèse, je vous invite à laisser un commentaire sous ce billet et à visiter le site internet de Jules et Juliette : http://www.jules-et-juliette.fr/
Si vous aussi vous souhaitez m’envoyer votre point de vue sur la thématique de l’articulation des temps de vie, laissez-moi un message sous ce billet. Un grand merci pour vos retours !
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